Nuit blanche

Il est 2h, je rentre à la maison. Il fait sombre, une seule petite lampe fait office de veilleuse dans la grande pièce. Fourbu, je me laisse tomber sur le canapé. Je regarde le plafond en silence. Encore un moment et je repartirai.

Derrière moi, elle dort en silence. Son visage se fait encore plus enfantin quand elle a les yeux fermés. Elle est partie, très loin d’ici. Peut-être de retour au pays.

Je prends un journal qui traîne près de moi et je commence à le feuilleter. Le frottement des pages la réveille. Elle se lève de manière subite et s’élance d’un pas léger vers la cuisine. Je l’observe sans dire un mot.

Elle met du lait dans une casserole qu’elle place sur la plaque électrique. Puis elle sort deux tranches de pain de mie, y place un peu de jambon et un bout de fromage.

Elle vient me rejoindre sur le canapé et soupire : « C’est dur la vie en France. » Je hoche la tête. Elle engouffre le frugal sandwich dans sa bouche, fixant le mur devant elle.

Elle se relève et avale son lait chaud en cuisine. Puis elle regagne le lit. « Bon courage… », me souffle-t-elle avant de se blottir sous la couverture.

Il est 4h30, je sors de la maison.

Published in: on 31 octobre 2009 at 6:36  Laissez un commentaire  

En rouge et noir

« Ramasse ton godet ! » Samedi 9 mai, Stade de France. Finale de la coupe de France de football, Rennes contre Guingamp : « Eh oh, ramasse ton godet ! » Un événement attendu par toute une région, tout un peuple : « Oh ! Oui toi, ramasse ton godet, le laisse pas par terre ! » Toute la Bretagne est là, ou presque : « Allez, viens par là, viens ramasser ton godet j’te dis ! »

L’homme, écharpe de l’En Avant Guingamp autour du cou, tourne la tête à chaque invective mais y répond par des soufflements agacés. Il se dirige vers le portique d’entrée au stade. Son moralisateur, supporter guingampais également, le rattrape alors et le tire par le manteau : « Il est là-bas ton godet, par terre, et tu vas le ramasser ! ».

Derrière les deux hommes, ça chambre. Un groupe de rennais se forme et chante sur l’air de « Santiano » d’Hugues Aufray : « Tiens bon la vache / Tiens bon la charrue / Guingampais, Roi du tracteur / Quatre cents chevaux sous le carburateur / Tu es fier d’être un agriculteur ! ».

La poubelle déborde de détritus. L’homme ramasse finalement son gobelet et le jette en direction du sac transparent, sans conviction. Il s’est déjà retourné, pressé de rejoindre enfin son siège, que le verre rebondit sur le bord de la poubelle et retombe sur le sol.

« Hey ! Il est pas dans le sac ton godet ! Viens donc le ramasser ! » Le supporter écolo n’en démord pas. Il repart à la charge, rattrape à nouveau l’homme qui est en passe de lui échapper. Il le prend par le bras et lui désigne le gobelet du doigt.

« Mais c’est pas le mien ! » lui dit l’homme. Les supporters rennais enchaînent : « Galette Saucisse je t’aime / J’en mangerais des kilos / Dans toute l’Ille-et-Vilaine / Avec du lait ribot ! ».

L’homme grommelle. Il ramasse tout de même le gobelet, le pose délicatement sur le sac et shoote dans quelques bouts de verre disséminés sur le sol. Le geste juste effectué et validé par son camarade supporter, il peut enfin entrer dans l’enceinte la conscience tranquille.

Quelques heures plus tard, l’En Avant a battu Rennes 2 buts à 1. Les Rennais ont arrêté de chanter, et tous les Guingampais s’enlacent, hilares.

Published in: on 31 octobre 2009 at 6:29  Laissez un commentaire  

Je me souviens…

– Je me souviens des plaques d’immatriculation québécoises sur lesquelles était inscrit « Je me souviens » ;

– Je me souviens du dessous des cartouches Nintendo sur lequel on soufflait fort une dizaine de fois avant que le jeu veuille bien fonctionner ;

– Je me souviens du regard noir des Japonais lorsque je me suis promené à Tokyo en yukata et en baskets ;

– Je me souviens de mes imitations d’Edouard Balladur en CM2 ;

– Je me souviens des kiwis du jardin de mon copain Jacques qu’on avait réussi à vendre aux habitants d’un immeuble voisin ;

– Je me souviens de cet animateur uruguayen qui, quand on jouait au foot, me surnommait constamment « Thuram », son joueur préféré, parce qu’il n’arrivait pas à prononcer « Guivarc’h » ;

– Je me souviens de mon prof d’histoire-géo de 6ème, M. Vilalard, « avec un seul l » sinon il s’envolerait ;

– Je me souviens que je fredonnais la musique des « 7 Mercenaires » à chaque fois que mon poney partait au galop ;

– Je me souviens de mon voisin David qui m’appelait de derrière son grillage : « Mon copain ! Mon copain ! » ;

– Je me souviens que les anniversaires de mes copains étaient toujours mieux que le mien ;

– Je me souviens des raquettes de tennis servant de guitares et des poubelles servant de batterie ;

– Je me souviens de la finale France-Brésil en 1998, vue dans une station-service en Argentine ;

– Je me souviens du regard de mes parents lorsque le livreur de chez Darty m’a livré la télévision que je m’étais acheté en cachette ;

– Je me souviens du mail de ma mère après avoir repérer que j’avais été au Vanuatu grâce à mon relevé bancaire ;

– Je me souviens du battement de mon cœur lorsque Sei m’a demandé si je voulais l’embrasser.

Published in: on 31 octobre 2009 at 6:22  Laissez un commentaire  

Mini-croquis

– Un VRP de la coiffure présente des cartes de visite à des femmes de la même couleur que lui, exclusivement. Puis à un homme qui monte l’escalier du métro. Ce dernier refuse poliment en se caressant les cheveux, comme pour montrer qu’ils sont encore trop courts.

– Devant un magasin de fripes sans nom, deux hommes marchandent. « Les T9, j’annule ? » demande le premier. « Oui mais j’en ai besoin. » lui répond l’autre. Le vendeur enchaîne : « Alors tu les veux les T9 ? ». L’acheteur : « Non, je les annule. Je veux les 143. ». Le vendeur hoche la tête et accepte le marché : « Bon ok, je commande les 143. ». Les deux hommes se séparent.

– Porte St Martin. Casquette rouge sur cheveux du même coloris, une touriste regarde son mari gesticulant. Il peine à avoir tout le monument dans son objectif. Il s’écarte, se baisse, tend le bras, le replie, rien à faire. Echec. L’homme tourne alors le dos à la trop grande arche, étire son bras, retourne l’objectif vers son sourire le plus niais : il se tire le portrait devant la Porte St Martin.

– Rue St Denis. Les dames qui font le pied de grue à l’ombre des numéros impairs regardent leurs consoeurs d’en face avec envie. Le soleil brille sur les numéros pairs…

– Porte St Denis. Sur le sol, deux jambes en jogging et leurs pieds nus sortent d’un carton de déménagement. L’autre moitié du corps dort à l’intérieur. Quelques mètres plus loin, une blonde et un Mathieu Amalric à moustache guettent quelque chose. Elle porte un talkie-walkie à la ceinture. Ils discutent puis changent de trottoir avant de disparaître.

Published in: on 31 octobre 2009 at 6:16  Laissez un commentaire