A vélo, pas de cadeau !

12h. 1 €. Mince… Elle a déjà un gros lapin bleu. J’arrête mon Vélib’ sur un trottoir, place de Clichy. Non, je ne peux vraiment pas lui en apporter un deuxième, elle va sentir l’arnaque, même à 5 ans. Je n’ai aucune excuse : c’est moi qui lui aie offert son premier gros lapin bleu. L’an passé. Quelle buse. Sa fête d’anniversaire commence à 14h.

12h30. 2 €. Il faut se décider. Je n’ai pas envie de me trimballer le monstre dans le métro. Je ne suis pas assez fou pour remonter à Montmartre. De toute manière, le magasin est fermé maintenant. Je dois trouver un autre cadeau.

13h. 4 €. Il y a les Galeries Lafayette un peu plus bas, ça doit être ouvert. Tant pis, son « lapinou » aura un jumeau et elle aura un deuxième cadeau. Il faut se dépêcher, plus qu’une heure avant le débarquement des autres mioches ; Corinne va me tuer si je ne suis pas là à temps. Je cale bien mes pieds sur les pédales de mon gros bolide gris et c’est parti.

13h15. 4 € toujours. Je ne sais plus trop où il est ce fichu grand magasin. Ah si, je le vois, c’est au bout de cette rue. Sens interdit. La lumière est au bout du tunnel, je l’entends qui m’appelle. Je me lance, je me vois sprinter sur la dernière ligne droite d’une étape du Tour de France. L’arrivée est là, je lève les bras, j’ai gagné ! On me siffle ! L’extase. Hey, mais on me siffle vraiment. Je me retourne, deux VTT de la police urbaine fondent sur moi. Je m’arrête. Ils m’interrogent : « Vous savez ce que vous venez de faire là ? ». Je réponds : « Je viens de gagner le Tour de France ? ». Au poste.

13h30. 8 €. Je vais écrire une lettre à MAM. C’est lamentable. Pas moyen de raccrocher mon Vélib’ à une borne, le compteur tourne. J’attends qu’on traite mon cas sur un banc du commissariat, mon gros lapin bleu sur les genoux.

14h. 12 €. La catastrophe. Le cadeau, la petite, la fête, Corinne… Un Roumain m’a fauché mon portable la veille dans un McDonald’s de Barbès. Je les collectionne. Et j’attends toujours.

15h. 20 €. On m’appelle enfin. On me présente les faits : infraction à la signalisation. Je présente mes excuses. Je tente de m’expliquer : le cadeau, la petite, la fête, Corinne…

15h30. 24 €. Montant de l’amende : 190 euros. La vache. Je règle, je sors du commissariat. Je maudis le ciel. Où est mon Vélib’ ? Je cherche.

15h45. 178 €. Je reviens au commissariat, pour porter plainte. On m’a volé mon Vélib’. On me dit d’attendre sur un banc. Je reste calme, tout est foutu de toute manière.

16h30. 182 €. Je raconte mon histoire : le Vélib’, le cadeau, la petite, la fête, Corinne…

17h. 186 €. Plainte reçue. L’année prochaine, je lui offre un gros poulet à la petite.

Published in: on 17 avril 2009 at 8:21  Laissez un commentaire  

Gianfranco Bortolotti, pape de la « Dance »

« Putain les boules… c’est pas vrai… » La berline vient de partir à toute vitesse. Devant une discothèque de banlieue parisienne, la jeune fille commence à pleurer. Elle croyait avoir donné sa bague à Kelly, la chanteuse du groupe Cappella. C’était en réalité Allison, sa remplaçante. Elle sèche rapidement ses larmes : « C’est pas grave, elle est sympa, je l’aimerai aussi. ».

Kelly et Kevin, son partenaire de scène, ont été renvoyés il y a quelques mois. Elle était caissière, lui boulanger, avant de former le duo « Capella ». « Ils disaient ‘Fuck you’ aux journalistes sous prétexte d’être fatigués. Ils se prenaient pour Prince, voire Dieu ! » s’insurge Gianfranco Bortolotti, patron de Media Records. Tel est le destin de ces nouveaux groupes de musique « dance » qui se succèdent les uns après les autres sur le podium des hits parades du monde entier.

Installé à Brescia, en Italie, Bortolotti s’est construit un empire dans cette industrie florissante en seulement cinq ans. Media Records, ce sont 10 studios d’enregistrement, une cinquantaine de titres par an pour un chiffre d’affaires de 50 millions de Francs et 35 millions de bénéfice.

Il explique simplement son succès : « J’ai une meilleure sensibilité que tous les autres. ». Cet ancien étudiant en économie a débuté comme D.J. au « Paradiso », une discothèque de Brescia. Désormais, il a un chauffeur pour conduire sa Porsche, quand ce n’est pas son hélicoptère ou son hors-bord. Il compare les groupes qu’il produit à des voitures qu’il vend sous différentes options selon les marchés.

Tout est fait par ordinateurs parce que « les musiciens, ça prend de la place. ». Ses principaux employés sont donc des D.J. qui se relaient pour mixer les instruments. Pour un même morceau, les rythmes et les tonalités seront variés pour s’adapter aux différents publics.

Un morceau de dance coûte moins de 100.000 Francs à produire et peut rapporter des millions. Les D.J.’s qui travaillent pour Bortolotti ne touchent pourtant aucun pourcentage sur les ventes. Ce sont de simples salariés. « Eux c’est la matière rose, pas la matière grise » explique leur patron qui a toujours le dernier mot sur le produit fini.

Ensuite, il n’y a plus qu’à poser la voix d’un chanteur ou d’une chanteuse anonyme. Ce que le producteur italien montrera au public, dans les shows ou les vidéoclips, ce ne sont que des figurants chantant en play-back. Il les recrute sur casting, le choix se faisant grâce aux études marketing de ses collaborateurs.

Allison, la nouvelle « chanteuse » de Cappella, était grande et blonde. Il lui a fait gonfler la poitrine, les lèvres, et l’a rendue rousse. Cela ne la dérange pas, elle gagne 5.000 Francs par concert sans oublier les pourcentages sur chaque morceau. Cela représente près de 50.000 Francs par mois. Mais elle et son partenaire sont conscients qu’ils peuvent être renvoyés du jour au lendemain : « Il faut donner le meilleur de nous-mêmes sinon on dégage. ».

Published in: on 17 avril 2009 at 7:56  Comments (7)  

Les étranges mimes de M.Marsaud

« ‘Bouillonnant’ ? Oui, même le pape fait des bulles ! ». L’avocat de l’Echo du Centre est au cœur de sa seconde plaidoirie et tente une dernière fois d’emporter l’adhésion des juges. Le quotidien régional est attaqué en justice par le député UMP Alain Marsaud pour diffamation suite à un article paru le 2 avril 2007 dans l’édition de la Haute-Vienne.

L’élu n’a pas du tout apprécié l’article intitulé « Les frasques du bouillonnant député Alain Marsaud ». Ce dernier remet en cause de manière assez virulente le comportement qu’aurait eu le député envers des opposants politiques lors de plusieurs évènements publics en avril 2007, en pleine campagne présidentielle. L’article insiste sur l’agression qu’aurait subie une jeune femme de la part de M. Marsaud. Celui-ci conteste les faits.

Les prévenus sont Christian Audouin, directeur de l’Echo du Centre, Guy-Albert Duvignard, directeur de la publication, et Jacques Grare, journaliste et auteur de l’article. Ils ne sont pas présents à l’audience, pas plus que M. Marsaud. L’occasion pour leur avocat respectif de se lancer dans un piquant face-à-face devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris.

Sous ses faux airs de François Fillon, l’avocat de la défense paraît au premier abord aussi effacé que son double. Fausse impression ; il attendait juste la plaidoirie de la partie civile pour se lancer vraiment. Il réclame la prescription et la nullité de l’action en justice initiée par le député. Le procureur rejette ces prétentions. Alors il faut combattre.

Plus bonhomme que son homologue de la défense, l’avocat du député fustige l’attitude du journaliste qui ne fait que salir la personne qu’il attaque : « M. Marsaud fait son devoir de citoyen et il est considéré comme un dangereux récidiviste ! ». Pour lui, l’article est truffé de références politiques : « Le député Alain Marsaud, ami de Charles Pasqua et adepte des méthodes de Nicolas Sarkozy ». En cela, il porte clairement atteinte à l’image de son client et à son statut de député. La défense réplique en rappelant le devoir du journaliste : relater les faits, informer le lectorat et l’électorat, surtout en pleine campagne.

L’accusation considère l’enquête du journaliste comme bâclée, sans témoins ni preuves, et publiée avant que la police n’ait rendu son rapport, six mois plus tard. « Si on devait attendre les rapports de police pour sortir des articles, il n’y aurait que du papier blanc ! » s’exclame la défense. « Pas de prudence, de sérieux et de contradiction », bref un article diffamatoire qui mérite dommages et intérêts selon l’avocat d’Alain Marsaud. Son adversaire ne lâche rien. Selon lui, le député a eu des comportements qui ont appelé à des réponses. Il insiste en rappelant les faits à nouveau, cite les procès verbaux : « Ils ne sont pas inventés ! C’est une enquête journalistique confirmée par l’enquête de police. ».

L’accusation tente une dernière attaque : l’auteur de l’article utilise le présent de l’indicatif pour relater les faits et non le conditionnel comme cela le lui est imposé par la déontologie. Le procureur acquiesce, le journaliste n’a pas pris le recul nécessaire. Son réquisitoire final n’est pourtant pas en faveur du député : la présentation de l’article est polémique mais elle ne porte pas atteinte à l’image de M. Marsaud. Ce sont juste des faits, confirmés par l’enquête de police.

Au fait, pourquoi l’affaire est-elle jugée à Paris et non à Limoges où les actes se sont déroulés ? « Parce que M.Marsaud a réussi à tomber sur l’un des trois exemplaires de l’Echo du Centre vendu à la gare d’Austerlitz ! » plaisante le faux François Fillon. Décision le 14 mai.

Published in: on 6 avril 2009 at 5:29  Laissez un commentaire  

Yôkoso à Japan Town

À Paris, les Chinois, les Indiens, ou les Turcs se rassemblent dans des quartiers bien distincts. Il suffit de quelques rues pour établir une zone à soi, avec services de proximité dédiés. Les Japonais ont choisi les alentours de l’Opéra Garnier pour s’installer. Plongée dans ce quartier méconnu du cœur de la capitale…

« Je voudrais rentrer au Japon dès que possible. » Uno fume une cigarette en bas d’un immeuble de bureaux, à l’angle de la rue Ste Anne et de l’avenue de l’Opéra. Cravate autour du cou, cet employé japonais travaille dans l’import-export de pièces automobiles. Il est en France depuis 2 ans, muté par son entreprise japonaise dans sa filiale parisienne. Il y trouve la vie difficile. Il n’a pas eu le choix. Mais il n’a pas l’air dépaysé par le quartier qui propose de nombreux services dédiés à lui et ses compatriotes. « J’aime cet endroit, c’est pratique, mais la vie est plus chère qu’au Japon. ».

Ce quartier, c’est le « Japan Town » de Paris, avec la rue Ste Anne comme axe principal. Cette artère haussmannienne n’a pourtant rien d’exotique au premier abord. Mais lorsque l’on y regarde de plus près, cela devient vite intriguant. L’immeuble dans lequel travaille Uno abrite d’autres sociétés japonaises, comme le prouve les plaques posées près de la porte d’entrée. En face, un coiffeur, « Takeo Fuji ». À l’intérieur, des employés et des clients japonais. Seule la manager est française ; elle résume simplement la situation : « C’est une question de texture de cheveux. Les Japonais préfèrent être pris en charge par d’autres Japonais. ».

Un peu plus loin encore, une boutique très sobre et minuscule. A l’intérieur, des étagères remplies de DVDs japonais. Derrière un comptoir, Hiroshi, paisible employé de ce vidéo-club au nom compliqué de « Joint Video System ». Il habite Paris depuis 15 ans et, contrairement à son compatriote rencontré quelques mètres plus bas, il ne sait pas s’il pourrait revenir vivre au Japon : « Trop de travail, trop de stress… Et puis j’aime voir des gens différents ». Il aime particulièrement le côté cosmopolite de la capitale française, caractéristique totalement absente des villes de son pays. Pourtant, 90 % de sa clientèle est japonaise ! Selon lui, il faut quand même du temps pour s’adapter à la mentalité française : « Pour une personne avec la mentalité japonaise, c’est très difficile, que ce soit pour le travail, la politesse ou le rapport avec les amis. ».

Il n’y aurait donc que les Japonais « différents » voire « originaux » qui seraient capables de supporter notre mode de vie ? Un point de vue confirmé par M.Yanagi, chef d’entreprise, installé en France depuis plus de 25 ans. Il est intarissable sur l’histoire de ce quartier de Paris où les Japonais se sont retrouvés dans les années 1970 : « Tout a commencé avec les premiers voyages organisés en provenance du Japon, à la fin des années 1960. Le quartier de l’Opéra a eu rapidement la faveur des tours opérateurs nippons en raison de sa proximité avec le Louvre et l’Opéra Garnier notamment. Les nombreuses boutiques Duty Free de l’avenue de l’Opéra ont fini par être envahies par les touristes japonais, friands de souvenirs et d’articles de mode. Il n’a fallu que quelques années pour que cet axe ne soit surnommé « Avenue de Tokyo » par les tours opérateurs. ». Takara fut l’un des premiers restaurants japonais à s’installer rue Molière, bientôt suivi par une ribambelle d’autres petites échoppes. La nostalgie des Japonais pour leur cuisine fait que ces restaurants ont connu tout de suite un franc succès. Les clients qui s’y pressent chaque midi et soir sont autant de Nippons expatriés ou de passage que de Parisiens à la recherche de nouvelles saveurs.

A côté de toutes ces enseignes gastronomiques, on trouve également de nombreuses agences de voyage japonaises, l’autre grande part de mono-commerce de la rue Ste Anne. Certaines comme « M. » ou « My Bus » organisent des séjours en France pour les touristes japonais. Mais Paris n’est plus vraiment à la mode au Japon à cause de cette tenace réputation : la capitale française est sale, peu sûre, et ses habitants sont froids et pas ouverts. D’autres visent les Français désirant se rendre au pays du Soleil Levant. « Voyageurs au Japon » est l’une de celles-ci. Installée depuis 20 ans dans le quartier, elle a changé son orientation depuis quelques années, bénéficiant de l’engouement des Français pour la culture nippone – gastronomie, mangas, … Ce quartier est devenu aujourd’hui celui des amoureux du pays du Soleil Levant et l’agence en profite donc bien.

Autour de la rue Ste Anne, d’autres facilités encore sont offertes aux Japonais de Paris telles que des librairies, des épiceries, une agence LCL franco-japonaise (la seule de Paris), … Pourtant, au contraire des Chinois ou des Indiens de la capitale, les Nippons ne vivent pas dans le quartier. Ils ne sont là que pour travailler. Les plus riches préfèrent le 16e arrondissement selon M. Yanagi. Quid des véritables habitants de cette aire nippone ? Selon Le Parisien du 27 mars, ils sont en colère, lassés de voir leur quartier « mourir » sous le joug de ces « envahisseurs » d’Extrême-Orient et de leurs restaurants qui se ressemblent. Devant leur mobilisation, le Conseil de Paris a même lancé une étude pour établir un diagnostic de la situation. Mais les commerçants « français » du quartier ne sont pas plus dérangés que cela, même s’ils ressentent bien cette crainte des habitants. L’unique boucher de la rue Ste Anne s’insurge : « Si les Français bossaient autant qu’eux au lieu de se mettre aux 35h, il n’y aurait sûrement pas de problèmes ! ».

Published in: on 1 avril 2009 at 12:39  Comments (1)